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Annie Dreuille
10 février 2011

DES YEUX NEUFS POUR LE MOYENT ORIENT

 

DES YEUX NEUFS POUR LE MOYEN ORIENT

Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde arabe dépasse singulièrement le cadre des révolutions de palais ou des complots de sérail  dans lesquels l’Occident a trop souvent voulu réduire la vie politique du Moyen Orient.  On se souvient de la phrase fameuse des Mémoires de Guerre du Général de Gaulle évoquant son voyage vers le Liban : « vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples ».

Or nous sommes obligés de constater que les évènements actuels font voler en éclats les « idées simples ». Un exemple, dans son édition du 3 février, le journal Le Monde publie un dossier sur la « révolte égyptienne » (1).  Le correspondant du journal en Israël publie un article intitulé « Israéliens et Palestiniens souhaitent le maintien du régime Moubarak. Israël comme l’Autorité palestinienne craignent une percée politique des Frères musulmans ». Dans le même dossier, on peut lire ce propos d’un ingénieur égyptien de 27 ans à l’intention d’Israël : « Arrêtez de soutenir Moubarak. Arrêtez d’imaginer qu’il vous faut un homme tampon entre vous et le peuple arabe. Cette guerre est entre nous et Moubarak, pas entre nous et vous ».

Un des meilleures analyses de la situation me semble être la chronique publiée par Peter Harling, Directeur des activités de l’International Crisis Group en Irak, en Syrie et au Liban (2). Il constate que la diplomatie occidentale au Moyen Orient  s’est limitée à trois buts : préserver l’accès aux ressources énergétiques,  préserver la sécurité d’Israël et endiguer les islamistes. Les appels occidentaux aux réformes et au respect des droits de l’homme ont toujours cédé le pas à ces trois exigences très pragmatiques. Aussi, le scénario d’une société civile arabe qui refuse d’être passée par profits et pertes dans les rapports de forces entre gouvernements prend de court les responsables des politiques étrangères des pays occidentaux. Les épisodes piteux des vacances tunisiennes et égyptiennes de notre ministre des affaires étrangères et de notre premier ministre illustrent cette absence de considération pour les sociétés civiles de ces pays.

Comme l’écrit Peter Harling, « un des aspects les plus stimulants des changements en cours vient du fait qu’aucun des concepts à travers lesquels  la région est généralement appréhendée (islamisme, terrorisme, sectarisme, antisémitisme, ou à l’inverse « modération ») n’est pertinent dans la situation actuelle ». C’est donc d’abord nos outils de lecture des réalités sociopolitiques du Moyen Orient qu’il convient de changer.

Lorsqu’ on rappelle la phrase gaullienne sur « l’Orient compliqué », on oublie de citer la suite du propos : « Je savais qu'au milieu de facteurs enchevêtrés une partie essentielle s'y jouait. Il fallait donc en être ». Si, dans cette région du monde, l’Occident veut continuer à « en être », il doit commencer à remettre en cause ce que Peter Harding appelle « une diplomatie on ne peut plus traditionnelle ». Il faut  souhaiter avec lui « que l’Occident, passé les homélies, ne devienne pas une source de régression nouvelle dans une région qui a tant besoin de regarder en avant ».

 

                                                                                      

 

 

(1) Journal Le Monde du 3 février 2011, pages 5 à 8.

(2) Peter Harling : Remettre les pendules à l’heure au Moyen-Orient. La diplomatie occidentale doit éviter le retour au statu quo » in Le Monde  du 5 février 2011, page 19

 

 

 

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