Entretien LA CROIX du 30 décembre 2009
Comment le processus de réconciliation entre les différentes communautés - protestante, musulmane et catholique - a-t-il pu déboucher sur une paix durable aux Moluques ? La réconciliation est-elle totale ? Pour autant, existe-t-il toujours un risque d’explosion ? Est-ce le rôle qu’ont joué les autorités catholiques aux Moluques ?
Alors qu’il y a dix ans, des violences entre musulmans et chrétiens éclataient chaque jour dans l’archipel indonésien des Moluques, la paix s’y est installée. Dans un entretien à «La Croix», l'évêque d'Ambon Mgr Petrus Mandagi revient sur ce processus d’apaisement auquel l’Église a été associée
Pour ma part, face aux musulmans et aux chrétiens qui venaient de se faire la guerre, j’ai avant tout défendu l’idée d’une humanité commune. L’être humain créé par Dieu doit être respecté et nous devons promouvoir son intégrité.
À partir de cette dimension qui nous unit tous, nous avons pu commencer à nous rassembler. Pendant le conflit, on ne voyait plus que nos différences, et nous étions devenus aveugles sur ce qui nous unissait.
De plus, nous avons dû insister auprès du gouvernement afin qu’il applique la justice pour tous. Nous sommes dans un pays où la loi doit être respectée – par la police, les juges, les fonctionnaires et l’armée. Là-dessus nous avons aussi trouvé un terrain d’entente.
Enfin, il a fallu pardonner. Nous avons tous reconnu nos erreurs et nos péchés. En réalité, personne n’avait gagné, personne n’avait perdu. Nous avons tous été stupides. Nous avions tous été manipulés et trompés par des forces extérieures qui se jouaient de nous. Ce conflit ne menait à rien et détruisait nos communautés.
Ce conflit nous a appris à mûrir sur nous-mêmes. Sa nature était purement politique, et pas religieuse ni ethnique. C’est si facile d’utiliser la religion, la croyance et la passion pour créer le désordre à des fins politiques. Aujourd’hui, plus personne aux Moluques n’est dupe. Personne ne se laissera plus manipuler comme il y a dix ans.
Il y a dix ans, je n’aurais jamais pensé que nous pourrions régler le problème aussi rapidement. Je disais à l’époque qu’il faudrait au moins une génération pour revenir à une situation normale, mais je me suis trompé. C’est un miracle !
Cela peut aussi servir pour d’autres tensions dans le pays, et je suis invité un peu partout pour parler de la façon dont nous avons résolu le problème. Et parfois je joue le rôle d’intermédiaire.
En conséquence, tout le monde a réfléchi sur la signification de la religion, son rôle et son poids comme exemple. La religion, c’est la solidarité, le soutien mutuel, l’échange et le partage, l’amour et la communion entre tous.
Recueilli par Dorian MALOVIC, à Ambon |